Oeuvre inaugurale : l’intrusion au musée

Je vais analyser une "expansion" de César :
Sans titre, 1970, expansion de polyester, 150×140 cm que voici en photo
 
Pour commencer nous allons faire une rapide description qui va nous permettre de poser des mots sur l’étrange(r) afin qu’il devienne plus familier. Cette sculpture nous propose l’image d’une substance blanche en train de s’étaler sur le sol et nous rappelle de la peinture s’échappant d’un pot en 10 fois plus grand. Elle est donc le simulacre d’un liquide puisqu’il s’agit d’un plastique durcifié. C’est une représentation d’une action que l’artiste appelle expansion. En fait il s’agit d’un phénomène chimique qui se retrouve muséifié, saisi comme on prend une photo.
On remarque la petite barrière noire au sol qui empêche le visiteur de tourner autour de la sculpture … Attention il ne faut surtout pas toucher. Ce qui laisse le suspens car ne permet pas de vérifier par soi-même de la réalité tactile de l’objet.
 
Cette ambiguité est en soi une remise en question de ce qu’est la sculpture : dans la tradition il en existe deux types. Soit le volume est creusé, comme c’est le cas pour la sculpture sur bois, ou taillé, pour la pierre. Soit il est moulé, de façon à ce que le liquide ou le maléable pose ses limites pour créer la forme. Ici quelle est la forme ? La matière plastique s’est gonflée de manière anarchique puisque rien ne la contraint dans une direction ou une autre (à moins qu’il y ait des objets engloutis à l’intérieur, mais comment le savoir ? Imagination !). Mais pour autant peut-on dire que cette chose n’a pas de forme ?
Qu’est-ce que la forme ?
Voilà les premières questions que peut nous amener à poser Sans titre. Et c’est pourquoi César pousse les limites de l’art avec ses expansions (il en existe d’autres notamment de diverses couleurs) au propre comme au figuré.
 
Une autre dimension est intéressante, c’est celle de la référence à la peinture qui sort du tube. Le changement d’échelle provoque l’impression que la peinture envahie l’espace d’exposition. Celui-ci est entre en contradiction totale avec cette oeuvre plastique attrayante (elle brille, elle semble douce …) de par sa nature architecturée et froide. A tel point que l’on en arrive à se dire que sa place n’est peut-être pas là tout en comprenant bien qu’elle s’impose. Elle reflète aisément l’intrusion de l’art dans la vie et dans l’espace public.
L’art a-t-il sa place ? Ou doit-il la prendre de force ? Cette force est incarnée par l’expansion qui finit par devenir une symbolique de l’art lui-même.
Et j’espère montrer que chaque oeuvre d’art est un symbole de l’Art.
Ce symbole d’expansion apporte avec lui les idées de pro-création, de multiplication etc. Autant de thèmes qui s’apparentent au caractère organique de Sans titre : un organique qui se fige, se fixe pour ne plus jamais bouger afin de rentrer au musée. Toute oeuvre d’art est fixité dans le milieu muséal et n’est pas vouée à être retravaillée un jour.
 
Enfin, remarquons l’appartenance de César au mouvement des nouveaux réalistes (expo actuellement au Grand Palais) dont le thème de prédilection était de rapporter les objets du quotidien dans le musée, une autre forme d’intrusion donc.
En espérant que ça aura intéressé certains, je continue de travailler pour avoir un rythme fluide qui puisse éveiller l’intérêt et surtout la CURIOSITE ! Quel Beau mot !
 

3 réflexions sur “Oeuvre inaugurale : l’intrusion au musée

  1. Julie dit :

    Je fais des commentaires à mes propres textes ! C\’était juste pour ajouter quelques éléments qui sont venus a posteriori, car je continue à réfléchir sur cette photo.
    Il faut remettre l\’oeuvre dans son contexte, c\’est-à-dire d\’une part qu\’elle a été créée en 1970. La réception qu\’on pouvait avoir à cette époque ne devait sensiblement pas être la même qu\’aujourd\’hui. Regardez : on est envahit par les produits type gels douche, shampoing-crème etc. Alors j\’ai l\’impression (enfin il faudrait demander confirmation à quelqu\’un qui a véritablement vécu les années 70 !) qu\’à cette époque on devait pas ressentir cette sculpture comme aujourd\’hui ! Peut-être que ça paraissait encore plus étrange et bizarre avant !
    Bon bref !
    Ma deuxième remarque c\’était à propos de l\’analyse de la protubérance en haut à gauche, cette EXCROISSANCE, ce bourrelet. D\’où vient-il ? S\’est-il fait tout seul ou l\’y a-t-on aidé ? lol !
    On dirait que c\’est ce qu\’il reste d\’un ballon qui vient de se crever et qui déverse son  contenu par terre …
    Ca restera le secret d\’alchimiste à moins de devenir expert en polyester expansé … Ce qui n\’est pas dans mes intentions, ah bon ?, moi je préfère que l\’oeuvre garde tout son mystère !!!

  2. Julie dit :

    bravo, juju, tu devrais écrire pour un magazine et effectivement aider les pauvres gens comme moi à entrer dans l\’art contemporain ou du moins à essayer de mieux l\’appréhender
    jojo  

  3. Julie dit :

    On peut parler de concrétion par rapport à ça, dans le sens : prendre une consistance plus solide. Ca peut rejoindre le symbole de la cristallisation.
    A voir, le dernier travail de Thomas Hirschhorn : Concretion Re. Il travaille avec des matériaux pauvres : le scotch de déménagement, le carton, sur des mannequins souvent. Il crée des protubérances avec un amas de scotch marron qui font penser de loin à de la boue ! Il a un regard critique sur la société et on l\’aime bien parce qu\’il fait des choses très monumentales et expressives sur les plans plastique et narratif et ce avec peu de choses.
    http://www.paris-art.com/lieu-art-exposition/exposition/3850/galerie-chantal-crousel-thomas-hirschhorn-concretion-re.html
    Il méritera sa place dans mon blog ! Il va avoir une installation (Outgrowth, 2005) dans la prochaine expo de Beaubourg Air de Paris. Il s\’agit d\’étagère sur lesquelles sont disposés des globes terrestres avec à certains endroits du scotch marron pour faire comme si la terre devenait elle-même une concrétion de merde.

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